Jour de deuil dans ma ville

Avant propos

CONTEXTE :
Le jour d’après un acte odieux perpétré par deux jeunes français se réclamant de l’islam où un carnage se produisit dans un journal satirique, tuant douze personnes sans distinction, des journalistes à l’homme de ménage en passant par le correcteur, le Président de la République Française déclara la journée « deuil national».
PITCH :
Un groupe d’enfants d’origines différentes et mixte déambule dans la ville de Créteil, le jour de deuil et le lendemain.
L’ENJEU:
La tolérance n’est pas innée, mais s’acquière par l’instruction et l’éducation.
LES PERSONNAGES :
Un groupe d’enfants de 12ans :
Les trois personnages principaux du groupe :
1er personnage : Fatoumata dit Fatou, la meneuse, black, joviale, sympa.
2ème personnage : Pierre dit Bouboule, Pit, grassouillet, complexé, un peu irascible.
3ème personnage : Felix dit Féfé, Black, fin, grand, plein d’humour.
Les personnages secondaires du groupe:
Yan ran, une petite chinoise,
Ayoub, un jeune garçon français d’origine marocaine,
Rabia, sa petite soeur, (6ans)
Gaëlle, une petite française née en Bretagne.
Les autres personnages :
3 jeunes en classe de 3ème, en capuche,
Une vieille dame, Petite, le dos voûté par les années, le visage débonnaire, tenant à sa main droite une canne.
Un homme d’une cinquantaine d’années de confession juive, portant une kippa.
LES LIEUX :
Place de l’hôtel de ville de Créteil,
Devant un collège,
Sur le chemin qui mène à la médiathèque,
Devant la médiathèque.
Dans la médiathèque.
QUESTIONNEMENTS :
Pourquoi ce jour de deuil ? Parce que deux jeunes français ont tué des journalistes qui faisaient leur travail, sous couvert d’une religion.
Pourquoi des enfants ? Parce que je suis convaincue que par, entre autre, l’éducation et l’instruction on aurait pu éviter cet acte insensé et que la société doit s’y prendre dès leur plus jeune âge.
Pourquoi la place de l’hôtel de ville ? Lieux emblématiques de la citoyenneté.
Pourquoi l’école ? C’est dans ce lieu que l’on se socialise, que l’on devrait apprendre à devenir des citoyens, apprendre à vivre ensemble avec nos différences mais aussi, partager nos causes communes.
Pourquoi la médiathèque (gratuite dans cette ville) ? Lieu de culture, d’ouverture, il peut contribuer sérieusement à la lutte contre l’intolérance, l’obscurantisme et le fanatisme.

SCENARIO :

JOUR DE DEUIL NATIONAL DANS MA VILLE

SÉQUENCE 1 : PLACE DE L’HÔTEL DE VILLE À CRÉTEIL/DE JOUR

Plan large et fixe sur l’entrée de l’hôtel de ville. Les drapeaux sont en berne et ceints d’un ruban noir. Un grand silence de10 secondes. Puis une VOIX OFF se fait entendre.
VOIX OFF : (FATOUMATA) (15 secondes)
Aujourd’hui, mon pays est triste, des journalistes qui dessinaient ont été tués par des français avec des armes de guerre. Le Président de la République a dit qu’on était en deuil national. Mais, pourquoi on les a tués ? Moi, je dessine et maintenant j’ai peur.
Au début du discours de la voix off, il ne se passe rien. Puis on perçoit un bruit sourd. Le bruit s’amplifie. Des enfants entrent sur la place de l’hôtel de ville, en premier, Fatoumata. Les enfants sont en patins à roulettes et se présentent en file indienne. Ils rient et font un raffut pas possible. A un moment, ils se heurtent et tombent en riant à gorge déployée. Ils se relèvent et s’en vont.

SÉQUENCE 2/ DEVANT LA SORTIE DU COLLÈGE / JOUR à 16H30 / LE LENDEMAIN

Sortie de la classe de 6ème, petit chahut. Fatoumata cherche à regrouper la petite bande.
FATOUMATA :
Bouboule, Félix, vous venez à la médiathèque. On va faire le devoir que nous a demandé la prof de français.
Elle commence à embarquer ses potes tout en tentant d’élargir le groupe.
FATOUMATA :
Yan, Gaëlle, Ayoub, Rabia … vous venez
AYOUB :
On arrive.
Les enfants se regroupent plutôt énervés. Tantôt se bousculant, courant…Quand un mouvement d’humeur démarra.
PIERRE (dit BOUBOULE) :
Arrête de m’appeler Bouboule, mon prénom c’est Pierre,
FELIX :
waah ! T’as vu comment t’es gros, on dirait un cochon ! (Dit-il en riant).
Les autres rient et se moquent de Pierre. La situation s’envenime.
PIERRE :

Et toi t’es qu’un sale négro qui pue.
FELIX :
Non, je pue pas.
PIERRE :
Si ! Les noirs y puent et c’est des sauvages, c’est mon tonton qui l’a dit.
FATOUMATA :
N’importe quoi !
GAËLLE :
Mais arrêtez !
Petite, le dos voûté par les années, le visage débonnaire, tenant à sa main droite une canne, une vieille dame qui passe par là et qui assiste à la scène, intervient. Elle reconnait la petite troupe qui défile tous les soirs alors qu’elle est discrètement assise sur le banc à observer les passants.
LA VIEILLE DAME :
Qu’est ce qu’il se passe les enfants ?
Cacophonie générale.
LA VIEILLE DAME :
Chacun sont tour. Toi …Comment tu t’appelles ? (Demande-t-elle à Félix
FELIX ET PIERRE : (ensemble)
Négro (dit pierre), Félix (répond Félix)
LA VIEILLE DAME :
Ben ! Pourquoi tu l’appelles négro ? (Dit-elle en s’adressant à Pierre)
PIERRE :
Et bien lui il m’appelle bien Bouboule !
FELIX :
Oui, mais c’est pas pareil ! Toi t’es raciste !
LA VIEILLE DAME :
Mais vous êtes des amis ? Je crois !
LES ENFANTS TOUS EN CHOEUR :
Oh oui ! Madame.
LA VIEILLE DAME :
Alors, pourquoi vous vous insultez ?
Vous pouvez vous trouvez des surnoms marrants sans que cela blesse celui à qui vous l’avez donné. Par exemple : moi quand j’avais votre âge on m’avait donné le surnom de : «Zézette», au début ça m’a fait drôle et après j’en ai ri.
FATOUMATA :
C’est chaud !
LA VIEILLE DAME :
Mais non c’est marrant ! Et si on trouvait un surnom à Pierre ? !
AYOUB :
PIT, ça serait bien. Qu’ est-ce que t’en penses ? (S’adressant à Pierre)
PIERRE :
Ah oui, j’aime bien !
LA VIEILLE DAME:
Ben, Vous voyez que l’on peut arriver à être gentil avec ses amis !  Maintenant, Pit ce que tu as dit à Félix ce n’est pas terrible. Tu n’es pas obligé de répéter tout ce que tu entends.Tu as dis que les noirs puent ? Viens voir Fatoumata.(Elle s’adresse à Pierre) Est-ce que Fatoumata sent mauvais ?
Pierre s’approche de Fatoumata et la sent avec intensité en fermant les yeux.
PIERRE:
Qu’est ce que tu sens bon !
LA VIEILLE DAME :
Alors ?
PIERRE :
Vous avez raison, Madame, Fatou, elle sent vraiment très bon.
FELIX :
Et moi ?
PIERRE:
Toi, tu pues pas, tu sens le garçon !
LA VIEILLE DAME :
Ça y est, vous êtes réconciliés ?

LE GROUPE :
Oui, Madame ! Au revoir Madame.
Les enfants reprennent leur chemin plus calmes et plus joyeux en direction de la médiathèque.

 SÉQUENCE 3 / SUR LE CHEMIN DE LA MÉDIATHÈQUE / 16H 45

GAËLLE :
OHhh ! Mais, j’ai pas d’argent pour rentrer à la médiathèque.
FATOU :
T’inquiètes c’est gratos ! Tu n y es jamais allée ?
Tu vas voir c’est génial !
Rencontre houleuse avec trois jeunes en capuche, les troisièmes du collège. Ils entourent Pit et commencent à le secouer.
LE TROISIEME ENCAPUCHONNÉ:
Quescet’a dans tes poches ?
PIERRE :
Rien, rien !
A ce moment ses amis se regroupent autour du troisième en capuche et contribuent à le faire battre retraite.
PIERRE :
Ohhh, merci ! Ils me font peur ces mecs. Une fois, ils m’ont piqué ma casquette Chicago bull. C’était un cadeau de mon père.
AYOUB :
Je les connais, ils habitent dans mon quartier.
Ma mère ne veut pas que je les fréquente.

 SÉQUENCE 4 / DEVANT LA MÉDIATHÈQUE / 17 H

 YAN RAN :
Moi aussi, ils me font peur ces arabes !
AYOUB :
Ce sont des Algériens !
GAËLLE :
C’est pareil !
AYOUB :
Non c’est pas pareil. Moi, je suis Marocain et ma soeur Rabia, aussi. Et pourtant on dit qu’on est des arabes. Après on dit qu’on n’aime pas les arabes. Pourtant, moi je suis gentil, je travaille bien à l’école et je n’ai jamais fait de mal à personne. Alors, Yan Ran, tu dis plutôt que tu n’aimes pas ces gars là.
FELIX :
Moi, aussi on m’insulte, on me traite de sale négro !
GAËLLE
:
Toutes façons, c’est des imbéciles !
AYOUB :
Regardez, il y a des dessins !
LE GROUPE :
Ah ! C’est ça !?
FELIX :
C’est ça le blasphème ? ! Un monsieur avec un turban qui pleure.
Les enfants regardent avec attention les images.
FATOUMATA :
J’ai peur, tu crois que si je dessine, je vais me faire tuer ? (Demande t-elle à Gaêlle)
Grand silence, les enfants semblent médusés.
YAN RAN :
C’est à causes des arabes, ils sont méchants, ils égorgent les gens et tuent les enfants.
AYOUB :
Ta gueule !… Tu m’énerves.
Tu n’arrêtes pas de dire des bêtises.
C’est pas les arabes, c’est des méchants.
Tu vas finir par comprendre ?

Yan ran boude. Ayoub revient à la charge.
AYOUB :
Bon ! Arrête de faire du boudin.
Un homme, d’une cinquantaine d’année vêtu de noir, une kippa sur la tête arrive et regarde les dessins.
LE MONSIEUR :
Bonjour, les enfants.
LE GROUPE :
Bonjour, Monsieur.
LE MONSIEUR :
Vous en faîtes une tête ! On dirait que vous avez rencontré le loup !
RABIA : (D’un ton grave)
C’est un bafène (dit-elle en montrant le dessin)
AYOUB : (Reprend sa sœur)
Non, un Bla se fè me.
YAN RAN:
Mais c’est quoi un blasphème ?
AYOUB :
C’est quand tu dis du mal du prophète et des religions.
YAN RAN :
Moi, je suis chinoise et j’ai pas de religion.
LE MONSIEUR :
Oui, si tu crois en dieu, c’est un blasphème, mais, il y a des gens qui ne croient pas en dieu. Alors pour eux ce n’est qu’un dessin un peu… moqueur. C’est comme ça. Tu vis dans un pays où chacun peu croire en dieu ou ne pas croire. Moi des fois, je ris bien de leurs dessins. Alors j’accepte que temps en temps, on se moque de mon rabbin. Et puis, quand ça ne me plait pas, je ne le lis pas. En tous cas, on ne devrait pas mourir pour ça !
Les enfants écoutent avec attention les paroles de cet homme.
RABIA :
Alors, on va pas me tuer si je dessine un monsieur ?
LE MONSIEUR :
Mais non, tu peux dessiner, tout ce que tu veux.
Les enfants commencent à respirer.
FELIX :
Vous voyez, la prof de français, elle l’avait bien dit ! On peut dessiner.

SÉQUENCE 5 / DANS LA MÉDIATHÈQUE / RAYON BD / LUMIÈRE ARTIFICIELLE

Les enfants s’engouffrent dans la médiathèque et se précipitent au rayon bandes dessinées. Ils commencent à dessiner lentement, au début, puis de plus en plus absorbés ne voient plus le temps passé.
La voix off débute au moment où les enfants commencent à dessiner. VOIX OFF : (voix de femme)
Rire, c’est le propre de l’homme.
Une vie sans humour et sans rire vaut-elle d’être vécue ?
La caricature a toujours existé.
Hier des hommes qui ne faisaient que dessiner sont morts,
Parmi eux, cinq journalistes.
Il y a dans le monde des gens qui tuent pour nous faire taire.
Taire pour nos paroles, taire pour nos écrits et aussi,
Taire pour nos dessins.
Notre devoir à tous est de résister.
Merci à CHARB, CABU, TIGNOUS, WOLINSKI, HONORE,
Et aussi
à Moustapha Ourad, Ahmed Merabet, Bernard Maris, Michel Renaud, Franck Brisolaro, Fréderic Boisseau, Elsa Cayat.
Ils nous ont quitté…
D’autres prennent la relève.

Une sonnerie retentit, annonçant l’heure de la fermeture, les enfants sursautent.
PIERRE:
Déjà !

 FIN

 

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